SUR CERTAINES EQUATIONS FONCTIONNELLES DÉFINISSANT DES POLYNOMES.
Par
Tiberiu Popoviciu
à Cluj.
Reçu le 20 Juillet 1934.
I.
Equations fonctionnelles à une variable.
1.
—
Soit une fonction définie dans l’intervalle fermé ( ), , et vérifiant l’équation fonctionnelle linéaire
(1)
pour tout et pour tout tels que , les étant des constantes.
A l’équation fonctionnelle (1) nous attachons l’équation caractéristique
Nous pouvons supposer, sans restreindre la généralité, que le polynome ne soit pas rationnel par rapport à une puissance entière et positive de .
Nous pouvons supposer . On peut exprimer ces conditions en disant que l’équation (1) est de degré n. On voit facilement, en ajoutant convenablement des relations de la forme (1), que si une fonction vérifie une équation fonctionnelle de degré , elle vérifie également une équation de degré , quel que soit l’entier positif .
Nous dirons aussi que l’équation (1) est d’ordre lorsque 1 est une racine d’ordre de multiplicité de l’équation caractéristique.
Si vérifie une équation de degré ot d’ordre elle vérifie "également une équation de degré et d’ordre au moins égal à , quel que soit l’entier positif .
2. - Pour que l’équation (1) soit d’ordre il faut et il suffit que
La fonction est une solution de l’équation (1) si , mais en est pas une pour puisque
donc
L’équation fonctionnelle (1) est vérifiée par un polynome quelconque - de degré k-1, mais n’en est pas par un polynome dont le degré effectif dépasse .
3 - Considérons le polynome qui s’obtient par la formule
où est une racine primitive d’ordre de l’unité.
Supposons que le polynome vérifie l’identité
(2)
On a alors , où sont des racines, différentes de 1 , de l’unité. Si est racine d’ordre de l’unité on voit immédiatement que ne peut être identique à .
Il en résulte qu’on peut toujours déterminer un nombre de manière qu’on ait
(3)
sauf dans le cas où .
La forme générale des polynomes vérifiant (2), ou la relation plus générale , peut s’obtenir facilement, mais nous u’en avons pas besoin dans la suite.
4. - Revenons à l’équation (1) et supposons que l’ordre soit plus petit que n. La fonction vérifie aussi l’équation fonctionnelle edont l’équation caractéristique est , le nombre étant déterminé
de manière qu’on ait la relation (3). La fonction vérifié égalemenť l’équation fonctionnelle dont l’équation caractéristique est , étant une constante.
On peut déterminer la constante de mani-ère que cette dernière équation fonctionnelle soit d’ordre au moins égal à . Nous en déduisons donc que
Si la fonction vérifie l’équation (11), de degré et d’ordre : elle vérifie également une équation de degré ot d’ordre au moins égal. .
La propriété relative au degré résulte de la remarque faite à la fin du Nr. 1.
5. - Il en résulte que si la fonction vérifie l’équation (1) elle vérifie également une équation fonctionnelle d’ordre et de degré .
Une équation (1) de degré et d’ordre est de la forme
et nous savons que, si est supposée continue, la solution générale de cette équation est un polynome arbitraire de degré .
Nous en déduisons donc la propriété finale suivante :
La solution continue générale de l’équation (1) d’ordre k. est un, polynome arbitraire de degré .
II.
Equations fonctionnelles à deux variables.
6.
—
Considérons maintenant une fonction de deux variables et , définie dans le rectangle et vérifiant l’équation fonctionnelle linéaire
(4)
pour tout et pour tout tels que . , les étant des constantes.
(1) On peut soumettre la fonction à des conditions plus genérales que : la continuité. Voir dans ma Thèse (Mathematica t. VIII sp. p. 57.) la généralisation d’un théorème de M. W. Sierrinski.
A cette équation nous attachons l’équation caractéristique
Définissons "d’abord le degré et l’ordre de l’équation fonctionnelle (4). Nous dinons que l’équation (4) est de degré si l’on a
Nous dirons que l’équation (4) est d’ordre ( ) si l’équation admet la racine d’ordre de multiplicité, identiquement en et la racine d’ordre de multiplicité, identiquement en . Le nombre est donc tel qu’on ait
identiquement en et
pour au moins une valeur de . En d’autres termes est le nombre de fois que les polynomes contiennent en commun le facteur ( ).
Si vérifie l’équation (4) de degré ( ) et d’ordre ( ) elle vérifie aussi une équation de degré et d’ordre au moins - égal à , quels que soient les entiers positifs ou nuls et .
7. - Si la fonction vérifie l’équation (4) d’ordre ( ) elle vérifie aussi l’équation fonctionnelle dont l’équation caractéristique est où
« étant encore une racine primitive d’ordre de l’unité.
La fonction vérifiera également l’équation fonctionnelle dont l’équation caractéristique est étant un polynome en .
On peut ohoisir le nombre de manière que
(2) L’ordre ( ) est au moins égal à l’ordre ( ) si .
et alors on peut déterminer le polynome tel que la nouvelle équation fonctionnelle obtenue soit d’ordre au moins égal à ( )a. Le degré de cette équation est de la forme où .
Nous en déduisons donc la propriété suivante :
Si la fonction vérifie l’équation (4) de degré ( ) et : d’ordre ( ) elle vérifie également une équation de degré ( ) et : d’ordre au moins égal à ( ).
8. - Nous en déduisons que vérifie une équation de degré ( ) et d’ordre au moins égal à ( ).
nous arrivons à la propriété :
Si la fonction vérifie l’équation (4) de degré ( ) elle : vérifie aussi une équation de degré ( ) et d’ordre ( ).
On montre exactement de la même manière que vérifie. une équation de degré ( ’, ) et d’ordre ( ’, ).
Nous n’avons d’allzurs pas besoin de préciser les nombres : et .
9. - Une équation (4) de degré et d’ordre est de : la forme
et nous savons que la solution continue générale de cette équation estu un pseudo-polynome d’ordre ( ), c’est-à-dire une fonction dela formo
les étant des fonctions continues de les des fonctionscontinues de seul.
Il en résulte que la solution continuc générale de l’équation fonctionnelle (4) est un pseudo-polynome.
(3) Voir : A. Marchaud „Sur les dérivées et les différences des fonctions de variables réelles". Voir aussi ma Thèse (Mathematica t. VIII) p. 65.
10. - Pour que soit une solution de l’équation (4) il faut. que
Si ( ) est l’ordre de l’équation on voit immédiatement que : et ne peuvent être des solutions.
Si on cherche la condition pour que soit une solution on trouve que la fonction doit vérifier les équations
Si est nécessairement un polynome de degré au plus égal à (ou bien elle est identiquement nulle) et si est un polynome de degré au plus égal à . Lorsque la fonction peut être arbitraire. Les solutions de la forme jouissent des propriétés analogues. Donc,
La solution continue générale de l’équation fonctionnelle(4) d’ordre ( ) est la somme d’un pseudo-polynome d’ordre ( ) et d’un certain polynome de degré au plus égal à ( ) ( 4 ).
Il en résulte facilement de ce qui précède que la condition nécessaire et suffisante pour que l’équation (4) n’admette comme solutions continues que des polynomes est que cette équation soit d’ordre ( 0,0 ).
11. - Déterminons en particulier les équations de degré dont la solution générale continue est un polynome arbitraire de degré .
On trouve immédiatement que ces équations ont pour équation caractéristique
où est un polynome de degré en et un polynome do degré en . Ces deux polynomes doivent vérifier les inégalités .
( 4 ) Nous disons qu’un polynome est de degré ( ) s’il est de degré en et de degré en . Un polynome est de degré au plus égal à ( ) s’il est de degré en et de degré en .
Les inégalités expriment justement que l’équation est d’ordre ( 0,0 ).
La plus simples de ces équations est celle qui a l’équation caractéristique
Il en résulte donc que la solution continue générale de l’éguation fonctionnelle
est un polynome quelconque de degré ( ).
En particulier, la solution générale de l’équation
étant des constantes.
On voit aussi que la solution continue générale de l’équation
est un polynome arbitraire de degré par rapport à seul. Ce résultat peut d’ailleurs s’obtenir très simplement aussi d’une manière directe.
11 bis. - Nous pouvons trouver en général les équations (4) dont la solution continue est une fonction de seul. On voit qu’une telle équation doit être d’ordre au plus et ne pas admettre des solutions de Ja forme .
12. Cherchons encore les équations (4) dont la solution générale est un polynome de degré en et . Il n’y a interêt à chercher que des équations symétriques c’est-à-dire des équations dont l’équation caractéristique présente une certaine symétrie par rapport à et . On vérifie facilement que lé plus petit degré admissible est ( ). L’é-
quation caractéristique est alors de la forme
où est un polynome de degré en . Ces polynomes doivent vérifier les inégalités
et les conditions de symétrie. exprime justement que l’équation (4) est d’ordre ( 0,0 ).
En particularisant, on obtient diverses équations de la forme (4) dont la solution continue générale est un polynome arbitraire de degré n-1. Ainsi par exemple
qui correspondent aux cas
Pour on trouve que la solution continue générale des équations
ost où sont des constantes.
Parmi toutes ces équations il parrait que celle qui est la plus
simple correspond au cas . Pour on obtient ainsi les équations
III.
Sar un problème de M. D. Pompéiu.
13.
—
M. D. Pompéru s’est proposé de trouver les fonctions continues définies dans ( ) et vérifiant l’égalité ( 5 ).
pour tout , et compris dans . La solution en est un polynome du premier degré.
Nous nous proposons de généraliser ce problème.
Considérons une suite croissante de nombres donnés a compris entre 0 et 1 et formons le polynome de Lagrange
en prenant .
Ecrivons l’égalité entre les valeurs moyennes
ou bien, après une transformation simples,
(5)
(5) D. Pompéto : „Sur une équation fonctionnelle qui s’introduit dans un problème de moyenne" G. R. t. 190 p. 1107.
où
Considérons maintenant l’équation fonctionelle (5). Par construcion, cette équation est vérifiée par un polynome de degré .
Nous allons supposer maintenant que les nombres divisent rationnelement l’intervalle .
On voit immédiatement que la fonction doit vérifier l’équation fonctionnelle
.
On en déduit que la solution continue générale de l’équation (5). est un polynome.
14. - La solution de l’équation (5) est en général un polynome. de degré , mais il peut arriver qu’elle soit un polynome de degré plus grand. Par exemple si on peut déterminer la constante . de manière que la solution soit un polynome de degré un. On tombe ainsi sur l’équation de M. D. Pompéru. Si l’équation (5) peut avoir comme solution un polynome de degré 2 , mais alors ou bien elle ne se présente pas sous forme symétrique ou bien, la symétrie étant respectée, les constantes ne sont pas rationnelles. Au contrairesi nous avons l’èquation très simple
qui a pour solution un polynome arbitraire de degré 3.
En général, dans le cas l’équation (5) admet comme solution continue un polynome de degré si est impair et un polynome de degré si est pair.
A l’aide des formules qui donnent les coefficients on peut facilement trouver les conditions pour que l’équation (5) ait comme solution continue générale un polynome de degré . Si nous posons
ces conditions s’écrivent
15.
—
L’équation de M. D. Pompéiu admet la généralisation suivante
(6)
pour une fonction de deux variables et . définie et continue dans le rectangle . On vérifie immédiatement que satisfait à l’équation fonctionnelle
De ce que nous avons démontré au Nr. 11 il résulte que la solution générale de l’équation (6) est un polynome de degré (1,1).
Considérons le polynome d’interpolation
où
étant deux suites croissantes de nombres compris entre 0 et 1.
L’égalité entre les valeurs moyennes
nous donne l’équation fonctionnelle
(7)
où
L’équation (7) est vérifiée par un polynome de degré . Nous supposons encore que les nombres sont rationnels. La fonction doit satisfaire à l’équation fonctionnelle
Cette équation est de la forme (4). Elle est d’ordre (0,0). En général cette dernière propriété résulte du fait que toutes les quantités .
et toutes les quantités
me peuvent etre nulles. Il peut arriver que, pour certaines distribuitons particulière des nombres la condition s’exprime d’une autre manière. On peut démontrer que dans tous les cas ces conditions reviennent aux précédentes ( 6 ).
On peut donc dire que la solution continue générale de l’équation (7) est un polynome.
16. - La solution de l’équation (7) est en général de degré ( ) mais elle peut être d’un degré plus grand. Tel est par exemple l’équation (6). En général, pour que la solution soit de degré ( ) al faut et il suffit que.
Ainsi dans le cas la solution générale est de degré .
Par exemple, la solution générale de l’équation
est un polynome arbitraire de degré .
(6) La propriété résulte du fait que le polynome
ne peut s’annuler identiquement, sans que les coefficients ne soient tous anules.
17. - Nous allons donner, pour terminer, encore une extension du problème de M. D. Pompétu. Considérons maintenant le polynome d’interpolation de degré en et
où
les constantes fixes ayant la même signification que précédement.
Si nous écrivons l’égalité entre les valeurs moyennes de la fonction et de son polynome d’interpolation nous trouvons l’équation fonctionnelle
(8)
l’intégral étant étendue au triangle (T) formé par les points ( ), et les coefficients sont donnés par les formules
où
L’équation (8) est vérifiée par un polynome de degré .
Les constantes étant rationnelles on voit immédiatement, comme au Nr. 15, que la fonction vérifie une équation fonctionnelle du type (4). On peut facilement conclure de là que :
La solution continue générale de l’équation (9) est un polynome.
18. - L’équation (8) peut être verifiée par un polynome de degré plus grand que . Pour que la solution générale soit un polynome de degré il faut et il suffit que
Donnons enfin un exemple. La solution générale de l’équation fonctionnelle
est étant des constantes.
RÉSUMÉ.
La solution continue générale de l’équation est un polynome. Nous examinons l’équation a deux variables
et nous déterminons celles dont la solution continue générale est un polynome ∗ Dans la troisième partie nous signalons des équations de la forme
(T) étant le triangle formé par les points dont la. solution continue générale est un polynome.