T. Popoviciu,Remarques sur la conservation du signe et de la monotonie par certains polynomes d’interpolation d’une fonction d’une variable,Ann. Univ. Sci. Budapest. Eötvös Sect. Math., t.3–4(1960/1961), pp. 241-246 (in French)
REMARQUES SUR LA CONSERVATION DU SIGNE ET DE LA MONOTONIE PAR CERTAINS POLYNOMES D’INTERPOLATION D’UNE FONCTION D’UNE VARIABLE
Par
TIBERIU POPOVICIU
(Cluj, R. P. Roumaine)
(Reçu le 14 Avril 1960.)
Dédié à la mémoire de l. Fejér
On connait l’intérêt tout particulier que L. Fejér a montré aux problèmes d’interpolation par polynomes. Lui-même a obtenu des résultats d’une très grande importance dans ce domaine. Dans la suite je me propose de faire quelques remarques bien simples sur certains de ces problèmes.
1.
Considérons l’opérateur linéaire
(1)
défini sur l’espace des fonctions , réelles et d’une variable réelle , définies sur un intervalle contenant les noeuds distincts
(2)
et où
(3)
sont des fonctions réelles, de la variable réelle , définies sur l’intervalle . Pour fixer les notations, nous supposerons toujours que
(4)
Si, en particulier, les (3) sont des polynomes nous pouvons prendre pour l’axe réelle ( ).
En donnant à la valeur on déduit de (1) la fonctionnelle linéaire .
Nous dirons que l’opérateur (1) conserve le signe de la fonction si nous avons sur pour toute fonction non-négative sur . Pour qu’il en soit ainsi il faut et il suffit que la fonctionnelle linéaire conserve le signe de la fonction , donc qu’elle soit non-négative pour toute fonction non-négative sur et pout tout .
Il est toujours possible de construire une fonction non-négative sur et prenant sur les noeuds (2) des valeurs non-négatives quelconques. Telle est, par exemple, toute fonction représentée par une ligne polygonale convenable réunissant les points représentatifs correspondants aux noeuds. Il en résulte que la condition nécessaire et suffisante pour que la fonctionnelle linéaire conserve le signe de la fonction est que la suite (3) soit non-négative pour .
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Nous dirons que l’opérateur (1) conserve la monotonie de la fonction si la fonction de est non-décroissante sur pour toute fonction nondécroissante sur .
Supposons que l’on ait
(5)
et que les fonctions (3) soient dérivables sur . Alors, la dérivée de la fonction (1) peut s’écrire
Remarquons qu’on peut toujours construire une fonction non-décroissante sur et prenant sur les noeuds (2) des valeurs formant une suite non-décroissante quelconque. Telle est encore, par exemple, toute fonction représentée par une ligne polygonale convenable réunissant les points représentatifs correspondants aux noeuds. Il en résulte que la condition nécessaire et suffisante pour que (1), sous les hypothèses précédentes, conserve la monotonie de la fonction est que la suite des dérivées des fonctions (3) ait toutes ses suitès partielles non-positives, donc que l’on ait
(6)
où pour l’égalité est valable identiquement en .
2. Supposons, en particulier, que (1) soit le polynome de Lagrange de la fonction sur les noeuds (2). Alors les fonctions (3) se réduisent aux polynomes fondamentaux d’interpolation
(7)
où
(8)
Nous avons alors la propriété suivante:
I. Si et si est différent des noeuds (2), la fonctionnelle linéaire ne conserve pas le signe de la fonction .
En supposant toujours que la condition (4) soit vérifiée, cette propriété résulte seulement du fait que lés 3 premiers polynomes (8), ,
ne peuvent pas avoir le même signe (ne peuvent être tous ou bien tous pour . En effet, nous avons
étant toujours différent des noeuds.
Nous donnerons aussi une autre démonstration de la propriété I. Soit différent des noeuds et soit a un nombre positif suffisamment petit pour que l’intervalle fermé ne contienne aucun noeud. Construisons (ce qui est toujours possible) une fonction positive qui prend les mêmes valeurs que le polynome de degré sur les noeuds. Nous avons et la propriété est démontrée.
Pour nous avons et la fonctionnelle linéaire conserve le signe de la fonction pour tout .
Pour nous avons
et la fonctionnelle linéaire conserve le signe de la fonction si et seulement si appartient à l’intervalle des noeuds ( ).
3. Dans le cas (7) du polynome de Lagrange, l’égalité (5) est bien vérifiée et les fonctions (3) (qui sont alors des polynomes) sont partout dérivables.
Nous avons la propriété suivante:
II. Si , le polynome de Lagrange ne conserve pas la monotonie de la fonction sur aucun intervalle (non nul) .
Nous allons donner une démonstration analogue à la seconde démonstration de la propriété I.
Il est clair qu’il suffit de démontrer la propriété pour tout intervalle fermé à gauche. Soit alors l’extrémité gauche de et, si , soit . le premier terme de la suite (2) situé à droite de (nous avons (4)). On peut alors toujours construire une fonction non-décroissante prenant les valeurs, formant une suite non-décroissante, du polynome de degré 2 ou 3 ,
sur les noeuds. Mais et le polynome n’est pas non-décroissant sur . Au contraire, ce polynome est décroissant
Pour et pour la propriété II n’est pas vraię. Dans ces cas on a et respectivement et conserve la monotonie de sur tout l’intervalle . Si , un calcul simple nous montre que les conditions (6) de conservation de la monotonie deviennent
et on voit que conserve la monotonie de la fonction sur si et seulement si cet intervalle est un sous-intervalle de
4.
Supposons maintenant que (1) soit le polynome de Fejér de la fonction sur les noeuds (2). Alors les fonctions (3) se réduisent aux polynomes fondamentaux d’interpolation de Lagrange-Hermite de la première espèce
(9)
On sait qu’alors peut bien conserver le signe de la fonction sur tout l’intervalle fini .
Supposons que se réduise à l’intervalle . Alors L. Fejér [1] a démontré que si le polynome vérifie l’équation différentielle
(10)
des polynomes ultrasphériques et si , l’opérateur conserve le signe de la fonction sur l’intervalle .
Lorsque vérifie l’équation différentielle (10) nous dirons que nous sommes dans le cas ultrasphérique de paramétre . D’ailleurs si le polynome de degré qui vérifie l’équation différentielle (10) a bien toutes ses racines réelles, distinctes et comprises dans l’intervalle ( ). En particulier, nous sommes dans le cas de Legendre si et dans le cas de Tchebycheff si . Alors les noeuds sont les racines du polynome de Legendre resp. du polynome de Tchebycheff de la première espèce de degré .
En particulier donc conserve le signe de la fonction sur l’intervalle dans le cas de Legendre et dans le cas de Tchebycheff.
5. Toujours dans le cas de l’opérateur de Fejér, supposons que le nombre des noeuds soit pair et que ces noeuds soient distribués symétriquement par rapport à l’origine. Nous avons alors , et
Nous en déduisons que les sont positifs si et seulement si
(12)
Nous avons la propriété suivante:
III. Si le nombre des noeuds est pair, si ces noeuds sont symétriquement distribués par rapport à l’origine et si les inégalités (12) sont vérifiées, bopérateur de Fejér conserve le signe et conserve aussi la monotonie de la centain intervalle non nul , ayant son centre dans l’origine.
La conservation du signe résulte du fait que nous avons , , par suite de (11) et du fait que les sont des fonctions continues.
Pour démontrer la propriété relative à la conservation de la monotonie il suffit de démontrer les inégalités (6) pour . Pour être sûr de l’existence d’un tel nombre il suffit, par suite de la continuité des fonctions , de démontrer que, dans le cas considéré, on a
(13)
Mais, compte tenant de (11) et de la symétrie signalée des noeuds, nous déduisons
d’où les inégalités (13) résultent immédiatement.
La propriété III est donc démontrée.
6. En particulier, si nous sommes dans le cas ultrasphérique les noeuds sont symétriquement distribués par rapport à l’origine.
L’équation différentielle (10) nous montre que dans ce cas, si ,
donc les conditions (12) sont vérifiées.
Il en résulte que nous avons la propriété suivante:
IV. Si nous sommes dans le cas ultrasphérique de paramétre et si le nombre des noeuds est pair, l’opérateur de Fejér conserve le signe et conserve aussi la monotonie de la fonction sur un certain intervalle won nul , ayant son centre dans l’origine.
La propriété est vraie, en particulier, dans le cas de Legendre et dans le cas de Tschebycheff.
Les résultats précédents sont à rapprocher de l’importante propriété de conservation des convexités de tous les ordres, dont jouissent sur l’intervalle les polynomes de S. N. Bernstein
qui’sont également de la forme (l). Nous avons obtenu autrefois ces propriétés [2].
Bibliographie
[1] L. Fejér, Über Weierstrassche Approximation besonders durch Hermitesche Interpolation, Mathematische Annalen, 102 (1930), 707-725.
[2] T. Popoviciu, Sur l’approximation des fonctions convexes d’ordre supérieur, Mathematica; 10 (1934), 49-54.