SUR CERTAINES FONCTIONS ARITHMÉTIQUES MULTIPLICATIVES
TIBERIU POPOVICIU
à Cluj
I.
1.
Une fonction arithmétique , donc une fonction (réelle) définie sur l’ensemble des nombres naturels, est dite multiplicative si nous avons
(1)
quels que soient les nombres (naturels) premiers entre eux.
Dans la suite nous désignerons par ( ) le p.g.c.d. et par le p.p.c.m. des nombres (naturels) . Les nombres sont premiers entre eux si et seulement si . Avec ces notations la propriété de multiplicativité de la fonction s’écrit .
2. Dans le livre bien connu de g. PÓlya et G. SZEGÓ [3, p. 126] on trouve énoncée et démontrée une intéressante propriété des fonctions arithmétiques multiplicatives. Sous une forme un peu modifiée nous pouvons énoncer cette propriété sous la forme du
THÉORÈME, 1. Si est une fonction arithmétique multiplicative et des nombres naturels quelconques, nous avons les formules
(2)
(3)
où désigne un produit étendu à toutes les combinaisons à , .., des indices .
Pour la propriété revient à la formule
(4)
où est une fonction arithmétique multiplicative et sont deux nombres naturels quelconques. Cette propriété est donnée comme exercice aussi dans mon cours d’algèbre supérieure (litographié) [5, p. 190].
La démonstration du théorème 1 dans [3] et aussi seulement du cas particulier dans mon cours cité [5] est basée sur la décomposition unique, bien connue, d’un nombre naturel en facteurs premiers. Dans la suite nous donnerons une démonstration ne faisant pas appel à cette décomposition.
3. Pour commencer nous allons démontrer la propriété dans le cas particulier , donc nous allons établir la formule (4).
Nous allons d’abord démontrer 1e
Lemme 1. étant deux nombres premiers entre eux et un troisième nombre naturel quelconque, il existe une décomposition de dans le produit de deux diviseurs complémentaires tels que l’on ait
(5)
Nous considérons seulement des diviseurs positifs des nombres.
Passons à la démonstration du lemme 1. Il existe des diviseurs de qui sont premiers avec . Par exemple le nombre 1 est un tel diviseur. Soit alors le plus grand des diviseurs de qui est premier avec et qui existe puisque tous les diviseurs de , donc en particulier ceux qui sont premiers avec , sont . Soit alors le diviseur complémentaire de . Il suffit de démontrer la première et la troisième formule (5), la seconde étant vraie par construction.
Soit et supposons que . Nous avons , d’où , Ensuite de et il résulte que . Enfin nous avons ce qui est en contradiction avec la définition de . Il en résulte que , donc .
Soit et supposons que . Nous avons alors , d’où . Ensuite de et il résulte que donc aussi que . Nous avons enfin ce qui est encore en contradiction avec 1a définition de . Il en résulte que , donc .
Le lemme 1 est donc démontré.
Remarque 1. Tout diviseur de et qui est premier avec est un diviseur du plus grand diviseur de qui jouit de la même propriété. Ên
effet, de il résulte que et , done . Mais , en vertu de la définition de . Il en résulte que , donc .
Remarque 2. Le diviseur d’a été utilisé aussi dans d’autres problèmes par w. SIERPINSKI [6, p. 17].
4. Passons à la démonstration de la formule (4). Posons et . Alors . Appliquons le lemme 1 aux nombres . Nous avons .
Mais, de il résulte que . De même nous avons . De la propriété (1) de multiplicativité il résulte alors que
(6)
De même de il résulte que et nous en déduisons
(7)
En comparant les formules (6) et (7) nous obtenons la formule cherchée (4).
5. Démontrons le théorème 1. Pour démontrer la formule (2) nous allons procéder par induction complète sur le nombre des nombres . Pour la formule revient à (4) et est donc démontrée. Supposons que la propriété soit vraie pour nombres et démontrons-la pour nombres . Pour simplifier l’écriture posons et désignons par ,
.., les nombres correspondant aux nombres et par les mêmes nombres correspondant aux nombres . En tenant compte de (4) nous avons
(8)
et on vérifie facilement que
(9)
en posant . Par suite de la propriété de distributivité des opérations et , nous avons
(10)
7 - Mathematica Vol. 13 (36) – Fasc. 2/1971
Par hypothèse nous avons
(11)
et en vertu de l’égalité (10) nous avons aussi
(12)
Compte tenant de (8), (9), (11) et (12) on déduit la formule (2).
On démontre de la même manière la formule (3).
Le théorème 1 est donc démontré.
La fonction arithmétique est bien multiplicative et 1a formule (4) devient qui peut se démontrer directenent à l’aide de la relation de divisibilité. On peut facilement écrire les formules générales (2), (3) dans le cas de la fonction . Pour la formule (2) ceci est fait dans le livre cité de g. pólya et g. szigGó [3].
II.
6.
La fonction arithmétique d’Euler (l’indicateur) est bien multiplicative et nous avons
(13)
si (et seulement si) .
On sait que est égale au nombre des nombres naturels et premiers avec .
Si la condition n’est pas vérifiée 1a formule (13) n’est plus vraie. En général si nous avons la formule
(14)
On peut rencontret cette formule, même si elle n’est pas explicitée assez clairement, dans divers traités. Il suffit de citer e. lucas [2, p. 398] et L. E. DICKSON [1, p. 13].
Les démonstrations de la formule (14) ont été toujours basées sur la décomposition en facteurs premiers des nombres. Il y a encore intérêt à nous passer de cette décomposition. C’est ce que nous allons faire dans 1a suite.
7. Nous allons d’abord démontrer le
Lemme 2. Si a|b nous avons
( 15 )
Nous désignerons par le fait que le nombre est divisible par le nombre , notation que nous avons déjà utilisée dans la première partie de ce travail.
Nous pouvons donner une démonstration de ce lemme, analogue à la démonstration bien connue de la formule (13). Cette dénonstration revient à dénombrer les termes de la suite des premiers nombres naturels qui sont premiers avec , les termes cle cette suite étant rangés, pour plus de clarté, dans un tableau rectangulaire
(16)
de lignes et colonnes de manière que l’élément de la et la -une colonne soit . On peut trouver cette démonstration dans tous les traités de la théorie des nombres. Il suffit de citer le beau livre de . ClERPINSKI [6, p. 229]. On peut aussi consulter mon cours déjà cité [5, p. 182].
Pour démontrer le lemme 2 considérons encore le tableau (16). Nous démontrerons que, dans les conditions du lemme nous avons
(17)
Fin effet, remarquons que nous avons en général : et , lorsque sont des nombres naturels. Si maintenant , il en résulte que , done aussi . Nous avons done
(18)
Supposons maintenant que . Il en résulte que donc , puisque a est un diviseur de . Il en résulte que . Nous avons donc
(19)
De (18), (19) il résulte la formule (17). De la formule (17) il résulte que dans chaque ligne du tableau (16) il y a exactement nombres premiers avec . Ie lemme 2 est donc démontré.
D’ailleurs la proprićté exprimée par le lemme 2 est équivalente à celle exprimée par le
Iremme 3. Nous avons
(20)
Pour montrer que 1e 1emme 3 résulte du 1emme 2 i 1 suffit d’appliquer 1a formule (15) aux nombres , , le second étant visiblement divisible par le premier. Pour montrer que le lemme 2 résulte du lemme 3 soit . Nous avons alors et en vertu du lemme 3 nous avons . Il en résulte la formule (15).
Une conséquence immédiate de (20) est la formule
(21)
quels que soient les nombres naturels .
8. Démontrons 1a formule (14). En posant , nous avons . Mais , donc . Fn tenant compte de la formule (4) il résulte que , d’où la formule (14).
9. La formule (14) peut être généralisée et nous pouvons énoncer le
THÉORÈME 2. étant des nombres naturels et en posant , nous avons
(22)
où a la même signification que dans le théorème 1.
(k)
Nous allons faire la démonstration par induction complète sur le nombre des nombres . Pour 1a formule (22) revient à (14) qui est déjà démontrée. Supposons maintenant que la propriété soit vraie pour nombres et démontrons-1a pour nombres ( ).
Considérons les nombres et posons , . En désignant par un produit étendu à toutes les combinaisons à des indices , nous avons, par hypothèse,
(23)
En remarquant que nous avons, d’après (14),
(24)
En appliquant 1a formule générale aux nombres , , dont le p.g.c.d. est égal à et en tenant compte de la formule (21), nous avons
(25)
Compte tenant de (23), (25) et de
de la formule (24) nous déduisons la formule (22). Le théorème 2 est donc démontré.
J’ai d’ailleurs démontré l’égalité (22) d’une autre manière dans un autre travail [3]. Dans ce travail j’ai cherché à établir l’inégalité
l’égalité étant vraie si et seulement si les nombres sont premiers entre eux.
10. Pour terminer reprenons le lemme 2 que nous allons généraliser et compléter par le
THİOREME 3. Nous avons
(26)
l’égalité étant vraie si et seulement s’il existe une puissance entière positive
De la démonstration du lemme 2 il résulte que nous avons (18) sans aucune restriction sur et . Il en résulte que dans le tableau (16) chaque ligne contient au plus termes premiers avec . L’inégalité (26) en résuite.
Examinons le cas de l’égalité dans (26).
Remarquons d’abord que si nous avons bien l’égalité (26). En effet, d’après le lemme 2 et la formule (21), nous avons
et l’égalité (15) en résulte.
Supposons maintenant que on ait
(27)
De la formule
(28)
on déduit que 1a suite est non-décroissante. Mais , Il en résulte qu’on peut trouver un nombre naturel tel que . Nous allons démontrer que pour ce nombre on a . En effet, nous avons et d’où aussi . Il en résulte que . Compte tenant de (21) la formule (27) nous donne , d’où . Mais est , - Nous obtenons divisible par , d’où il resulte que ; 1 Nous avs l’égalité qui ne peut être vraie que pour . Nous avons donc , d’où .
Le théorème 3 est donc démontré.
11. Les démonstrations précédentes ne font pas appel à la décomposition en facteurs premiers des nombres, mais seulement aux propriétés de la relation de divisibilité et des opérations de p.g.c.d. et p.p.c.m. Ces propriétés sont l’associativité, la commutativité et la distributivité l’une par rapport à l’autre des opérations ( ), , les propriétés , etc. Pour la démonstration de toutes ces propriétés on peut consulter, par exemple, mon cours cité [5].
Remarque 3. Si nous faisons appel à la décomposition unique en facteurs premiers des nombres naturels, la condition d’égalité dans la formule (26) est équivalente à la propriété suivante:
Tout facteur premier du nombre a divise le nombre .
Supposons que où est un nombre naturel. De 1a formule (28) il résulte que
(29)
Soit maintenant un facteur premier de . Alors et il résulte que , donc aussi que . La formule (29) nous montre alors qu’il existe un teí que . Il en résulte que .
Supposons maintenant que si est premier. Soit alors la décomposition de en facteurs premiers. Nous avons , où sont des nombres naturels. Si nous prenons un nombre naturel tel que nous avons .
I’équivalence des deux propriétés examinées est done démontrée.
BIBLIOGRAPHIE
[1] Dickson L. E., Modern Elemenlary Theory of Nombers, 1950.
[2] Lucas E., Théorie des nombres, 1891.
5] P. A ufgaben und Lehrsâtze aus der Analysis II, 1925.
[5] Popoviciu T., Asupra unor inegalită/i, Gazeta Matematică, 51, 81-85 (1945).
[6] Sierpinski W. Elemcary.